Autrefois, il y a bien longtemps de cela, du temps où l’humanité vivait en harmonie avec la nature, les hommes, les femmes et les enfants de Chine chassaient, pêchaient et vivaient en tribus sous la protection d'esprits bienveillants. Ces esprits ressemblaient aux animaux que les hommes connaissaient bien :
Les pêcheurs des bords de mer avaient choisi le poisson qui scintille entre deux eaux.
Les cultivateurs des rizières fertiles ne juraient que par le buffle, ami de l'homme et travailleur infatigable.
Les cavaliers des plaines sans fin préféraient le cheval qui galope à la vitesse du vent.
Les nomades des hauts plateaux s'étaient mis sous la protection du serpent qui glisse sans bruit d'un endroit à l'autre.
Et les chasseurs des montagnes éternelles avaient adopté l'oiseau qui sait si bien poursuivre ses proies au plus près des nuages.
Ainsi vivaient les hommes, les femmes et les enfants de Chine, sous la protection du poisson, du buffle, du cheval, du serpent et de l'oiseau.
Ainsi, hélas, se faisaient-ils aussi la guerre au nom de tous leurs animaux protecteurs. Les hommes se combattaient tant et tant qu’ils n’avaient même plus le temps de revenir dans leur famille. Les femmes devaient aller à la pêche, à la chasse, travailler dans les champs et cueillir les fruits pour nourrir leur famille.
Un jour, tous les enfants de toutes les tribus de Chine en eurent assez et déclarèrent la guerre à la guerre. Ils se réunirent en secret dans une grotte et décidèrent alors de créer un animal qui protègerait tous les hommes à la fois : un animal vif comme le poisson, fort comme le buffle, rapide comme le cheval, rusé comme le serpent et libre comme l'oiseau. Ils prirent le corps du serpent, et y collèrent les écailles du poisson. Ils prirent la tête du cheval et y fixèrent les cornes du buffle. Puis ils assem¬blèrent la tête et le corps, et ils ajoutèrent les pattes acérées de l'oiseau.
Cet animal fabuleux qui pouvait s'élever dans les airs, plonger dans les mers, et s'enfoncer sous la terre, ils l'appelèrent : le dragon.
Lorsque les hommes et les femmes de toutes les tribus de Chine décou¬vrirent le dragon imaginé par leurs enfants, ils le trouvèrent si beau que, pour la première fois, ils furent tous d'accord entre eux : ils décidèrent qu’il serait l’esprit bienveillant de tous et de ne plus jamais se faire la guerre.
Le dragon reste encore aujourd’hui en Chine l'animal de la paix, et c’est dans la joie que chaque année, on fête le Nouvel An chinois en l’acclamant dans les rues.
D’après Marie Sellier et Catherine Louis, La Naissance du dragon, Histoire de WangFei